Traces…extrait…

LE PRINCE DISGRACIÉ

Le bleu qu’il désire mettre ne couvre pas le noir.
La poupée reste triste.
Elle n’aime plus ses roses.
Il n’a pas d’anémones à lui offrir ce soir,
Ce n’est plus la saison.
Mais il y a autre chose…

La femme qu’il aimait,
Qui montrait sa tendresse,
Refuse désormais
Ses plus tendres caresses.

Trois fleurs qu’il a volées,
Trois fleurs qui agacent,
Qu’il veut dans un feuillet
Pour qu’elles laissent leur trace,
Mises dans une poubelle où elles ont disparu.
Il les avait vues belles, et cueillies dans la rue.

Il aimait sa douceur,
Il reste un goût amer.
Il cherche dans son cœur
Ce qu’il a bien pu faire

Elle l’a fait rester sage.
Il en fut irrité.
Elle lui dit sans ambages :
« Tu ne peux plus rester… »
Alors, il est parti, tout son être affligé,
Sans savoir où aller. Assis à une table
D’un cabaret miteux où il s’est réfugié.
Il ne croit plus en rien. Il se sent lamentable.

Il ne la verra plus, ou seulement par hasard.
Il n’ira plus chez elle, même avec du retard.
Et son cœur ne bat plus.
Elle a fermé sa porte.
Il rejoint la cohorte de ceux qui ont déplu
.
Il n’a rien fait de mal.
Du moins, il ne croit pas.
D’encourir sa disgrâce,
Il ne mérite pas.
Il arrivait d’ailleurs,
Avait ouvert son cœur,
Avait offert ses fleurs,
Ses baisers, son amour.
C’était peut-être trop.
C’était peut-être lourd.

Sait-elle donc où repart
L’émerveillé aux fleurs,
Le prince hospodar
Qui était dans son cœur ?

Du bas de l’escalier,
Il entendait sa voix
Et son cœur cognait
Plus neuf à chaque fois.

Il se sent ridicule.
Son univers explose.
Il devient particule.
Il n’est plus qu’une chose
Qui ne peut plus donner,
Qui ne peut plus offrir,
Qui ne peut plus parler,
Qui ne peut que souffrir.

Son printemps commençant
Se termine en hiver.
Son cœur vide résonne.
Des derniers mots glaçants :
« Je trouve agaçant, tes sourires et tes vers ! »
Il est moins que personne.

Mais il écrit encore,
En des lieux bien étranges,
Des milliers de feuillets
Qu’il donnera aux anges,
De celles que l’on achète
Pour qu’elles se laissent prendre.
Il sait qu’elles sont là,
Qu’il n’a qu’à les attendre.

Désormais, il sera sans être tout à fait là,
Et il perdra plus tard encore plus que cela.

Ses histoires seront tristes,
Son humour dépassé.
Il ne fera plus rire
Et moins encore pleurer.
Son rêve se termine,
Enveloppé de silence.
Il est bientôt minuit.
Il n’a pas eu de chance.
Il n’a plus qu’à rentrer.
Il ne la verra plus.
Le vent a emporté
Ses espoirs dans la rue.

Il retourne en lui-même une dernière fois.
— J’irai sous ta fenêtre regarder si tu dors.
Je te crierai, je t’aime, car j’ai besoin de toi.

Il veut croire au peut-être.
Peut-être l’aime-t-elle encore ?

Son café est glacé, le cabaret désert.
Comme ce futile espoir, il a un goût amer.

 

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